Deux grenouilles Chris Wormell l'école des loisirs
Deux grenouilles
Il était une fois deux grenouilles sur une feuille de nénuphar au beau milieu d'un étang.
L'une des grenouilles tenait un bâton.
" Pour quoi faire? " demande l'autre grenouille.
" Par sécurité ", répondit la grenouille qui tenait le bâton. " Pour faire fuir le chien. "
" Quel chien ? " demande l'autre grenouille en jetant un rapide coup d'oeil alentour. " Je ne vois pas de chien. Il n'y a pas l'ombre d'un chien. "
" Non en effet , pas en ce moment ", répondit la grenouille qui tenait le bâton. Mais si jamais un chien venait à traver l'étang pour essayer de nous manger, vois-tu ... Mieux vaut prévenir quemourir. "
"Mais aucun chien n'est jamais venu nager dans cet étang ", protesta l'autre grenouille . " Aussi loin qu'il m'en souvienne, je n'en ai jamais vu, ni dedans, ni même sur le bord.
D'ailleurs, pourquoi voudrais-tu qu'un chien vienne nager dans cet étang ? La chasse à la grenouille n'est pas leur sport favori, que je sache."
" Mais imagine que son maître lance une balle dans l'étang et lui demande de la rapporter ", rétorque la grenouille qui tenait le bâton.
" Enfin voyons, l'étang est si grand qu'il faudrait que la balle soit lancée avec une force rare pour nous atteindre ici ", protesta l'autre grenouille. " Et le chien aurait intérêt à être un excellent nageur ! "
"Mais imagine que le maître du chien soit un champion de javelot ", insista la grenouille qui tenait le bâton. " imagine que le champion de javelot descende au bord de l'étang avec son chien ( qui est un excellent nageur) et lance la balle jusqu'au beau milieu de l'étang, c'est-à-dire ici même, et demande à son chien de le lui rapporter. IL se pourrait que le chien veuille nous manger, grâce à mon bâton, je fais fuir le chien !"
L'autre grenouille éclata de rire. "Grosse andouille ! " coassa-t-elle, " tu risques plus de te faire manger par un brochet ou un héron que par un chien. Pourquoi se soucier des chiens ? C'est ridicule !"
Elle riait tant qu'elle tomba dans l'étang, tout près d'un brochet qui nageait sous les nénuphars.
Le brochet entendit le plouf de la grenouille qui tombait dans l'étang, ...
il ouvrit ses énormes mâchoires aux dents aigues et s'apprêtait à engloutir les deux grenouilles ...
... quand un hèron les happa dans son long bec.
Le héron s'envola et les mâchoires du brochet se refermèrent sur une feuille de nénuphar.
Mais...
... le bâton se coinça dans le bec du hèron qui essayait d'avaler les deux grenouilles.
Et d'un bond, les deux grenouilles plongèrent dans l'étang - plouf! plouf !
Vit, elles nagèrent jusqu'au bord de l'étang et vite, elles s'enfoncèrent dans le bois à la recherche de bâtons
C'est pourquoi elles manquèrent le champion de javelot qui ce matin-là faisait le tour de l'étang avec son chien...
On entre au Chalet par une petite porte en fer, treillissée, et dont les fers de lance s’élèvent de quelques pouces au-dessus du palis et de la haie.— (Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844)